#BALANCETONPORC : QUE DIT LE DROIT SUR LE HARCÈLEMENT SEXUEL AU TRAVAIL

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Dans ces temps troublés où la communication par hashtag supplante tout questionnement juridique, il est nécessaire de faire le point sur les règles applicables au harcèlement sexuel au travail.

 

Le Code du travail, comme le Code pénal, appréhende le harcèlement sexuel en lui donnant une double définition, selon qu’il s’agit de faits répétés ou d’un acte unique.

 

L’article L 1153-1 du Code du travail est en effet rédigé en ces termes :

« Aucun salarié ne doit subir des faits :

  • 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante,
  • 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers »

 

Il est donc désormais acquis qu’un fait unique peut suffire à constituer une situation de harcèlement sexuel (Voir en ce sens : Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2017, N°15-19300).

 

Ont, par exemple, été jugés comme des faits constitutifs de harcèlement sexuel :

1. Le fait de complimenter une salariée sur sa poitrine et ses jambes,

2. Le fait de poser des questions intimes à une salariée,

3. L’envoi de photos érotiques accompagnées d’un texte sur le port du string lors des réunions d’équipe.

4. Le fait pour un chef de service d’avoir plusieurs fois pincé les fesses d’une salariée contre son gré et de provoquer des altercations sur le lieu du travail chaque fois qu’elle refusait de déjeuner avec lui.

 

Le ou les faits en question peuvent avoir été commis en dehors du lieu et du temps de travail dès lors qu’ils demeurent liés aux relations de travail (Voir en ce sens : Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2012, N° 10-12.930).

 

Le cadre législatif et jurisprudentiel a, par ailleurs, été complété par une nouvelle intervention législative insérant en 2016 un article L 1142-2-1 du Code du travail sur la notion d’agissement sexiste :

« Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

 

Un tel ajout peut déconcerter tant la redondance avec la définition de harcèlement sexuel est évidente.

 

D’autant que la jurisprudence n’hésite pas, dans le même temps, à créer de nouvelles notions comme celle d’« harcèlement sexuel environnemental ou d’ambiance » (Voir en ce sens : Cour d’appel d’Orléans, 7 février 2017, N°15/02256).

 

Toujours est-il que, dans ce flou jurisprudentiel et législatif, une chose demeure certaine : l’employeur, tenu d’une obligation d’assurer la sécurité de ses salariés, doit planifier puis organiser la prévention des faits de harcèlement sexuel et des agissements sexistes.

 

Il est également tenu, dès lors qu’il en est informé, de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire cesser une situation de harcèlement.

 

L’ensemble des obligations mis à la charge de l’employeur pour prévenir et faire cesser des faits de harcèlement rend alors nécessaire qu’il soit accompagné régulièrement par un conseil.

 

De son côté, le salarié victime de harcèlement sexuel ou qui a connaissance de tels faits se doit de dénoncer auprès de son employeur les agissements en question afin de pouvoir bénéficier de la protection édictée par l’article L1153-3 du Code du travail :

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

 

La protection ne peut cependant jouer qu’à la stricte condition que le salarié qualifie expressément les faits dénoncés de « harcèlement sexuel » (Voir en ce sens Cour de cassation, Chambre sociale, 13 septembre 2017, N°15-23045).

 

En tout état de cause, le salarié victime de harcèlement sexuel peut notamment prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

 

A cette occasion, il pourra également solliciter une double indemnisation à raison de dommages intérêts :

1.Pour le préjudice subi du fait du harcèlement sexuel,

2.Pour le préjudice subi du fait du manquement de son employeur à son obligation de prévention de tels agissements.

 

Il sera cependant nécessaire d’apporter la preuve de l’existence de deux préjudices distincts, ce qui, au même titre que la preuve des faits de harcèlement, n’est pas chose aisée.

 

Même si le salarié bénéficie d’un aménagement de la charge de la preuve prévoyant qu’il lui revient seulement d’apporter des éléments susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement, il est en effet souvent difficile de démontrer la réalité des faits dénoncés.

 

Au préalable, avant d’envisager une action prud’homale, il est alors impératif de constituer avec son conseil un dossier solide.

 

 

Clément BOUCHERON

Cabinet CM&B AVOCATS ET ASSOCIES

Barreau de TOURS