LE MIRAGE DE LA SIMPLIFICATION, ou comment alourdir encore les obligations des petites entreprises.
Par CM&B AVOCATS.
L’Ordonnance du 12 juillet 2017 institue des mesures d’allégement pour les rapports de gestion des sociétés relevant de la catégorie des petites entreprises.
Mais un mois plus tôt, le Décret du 12 juin 2017 avait définitivement créé le registre des bénéficiaires effectifs, une nouvelle obligation qui concerne la quasi totalité des sociétés françaises.
Une simplification dérisoire :
L’ordonnance du 12 juillet, prise en application de la « loi Sapin 2 » simplifie à la marge les rapports de gestion des petites entreprises.
Elles n’auront plus à exposer dans leur rapport de gestion les activités de la société en matière de recherche et de développement ni à y mentionner leurs succursales. En revanche, elles resteront tenues de présenter la situation de la société durant l’exercice écoulé, son évolution prévisible, ainsi que les événements importants survenus entre la date de la clôture de l’exercice et la date à laquelle le rapport est établi (C. com., art. L. 232-1, V créé par Ord. n° 2017-1162, art. 13).
Les informations suivantes n’auront plus à figurer dans le rapport de gestion des petites entreprises (C. com., art. L. 225-100-1, I, al. 9 créé par Ord. n° 2017-1162, art. 8) :
– indicateurs clefs de performance de nature non financière ayant trait à l’activité spécifique de la société, notamment les informations relatives aux questions d’environnement et de personnel ;
– indications sur les objectifs et la politique de la société concernant la couverture de chaque catégorie principale de transactions prévues pour lesquelles il est fait usage de la comptabilité de couverture, ainsi que sur son exposition aux risques de prix, de crédit, de liquidité et de trésorerie. Ces indications comprennent l’utilisation par l’entreprise des instruments financiers.
La création d’un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés non admises aux négociations sur un marché réglementé :
Les sociétés et autres personnes morales immatriculées au RCS, établies sur le territoire Français, si leurs titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, devront déposer au Greffe un document identifiant leurs bénéficiaires effectifs (décret n° 2017-1094). Cette obligation résulte d’une ordonnance n° 2016-1635, du 1er décembre 2016 (C. mon. fin., art. L. 561-46 et s.).
Concrètement, une formalité supplémentaire de dépôt auprès du greffe du tribunal de commerce doit être réalisée à l’occasion d’une création ou d’une modification depuis le 1er août 2017.
Toutes les sociétés créées avant le 1er août 2017 devront avoir transmis au greffe le document identifiant leurs bénéficiaires effectifs avant le 1er avril 2018.
Naturellement, ce dépôt n’est pas gratuit: le coût du dépôt au greffe du document sur les bénéficiaires effectifs est fixé à 19,76 euros, pour les sociétés immatriculées depuis le 1er août 2017, et à 39,52 euros pour les sociétés immatriculées avant cette date.
Souvenons nous que le précédent gouvernement avait obtenu dans la tourmente une baisse des tarifs du greffe, en particulier d’environ 2 euros pour le dépôt des comptes, et de 40 euros pour une constitution de SARL et de SAS avec activité…
Le Président du Tribunal de commerce informe le procureur du non respect de cette nouvelle obligation et prononcera une astreinte.
Si le législateur n’a fait qu’intégrer dans notre droit la Directive 2015/849 du Parlement européen du 5 juin 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, objectif certes louable, nos entreprises se seraient bien passées de cette nouvelle obligation, éloignant encore l’objectif de simplification martelé depuis des décennies.
Nicolas SONNET, Avocat
CM&B Avocats associés